Le Comité Harkis et Vérité fête ses 20 ans

19/09/2021

Harkis et Vérité, deux décennies d'avancées des droits

Il y a vingt ans, à la rentrée 2001, le Comité Harkis et Vérité venait d'être fondé. Son ambition, agir pour faire progresser la vérité sur la réalité et l'entendue du drame des harkis et de leurs enfants.

Vingt ans après, les résultats obtenus sont tangibles. 32 actions en justice, 27 victoires. Et pas des moindres... Des victoires en justice qui ont permis de grandes avancées du droit en faveur des harkis et de leurs enfants.

Ainsi, le 30 décembre 2003, sur requête du Comité Harkis et Vérité, le Conseil d'État a enjoint au Gouvernement de donner un véritable statut légal et pérenne aux bourses scolaires spécifiquement dédiées aux enfants de harkis. Pour se plier à cette injonction de la plus Haute juridiction administrative, l'article 10 de la loi du 23 février 2005 a accordé à ces bourses le statut et la pérennité dans le temps exigés par le Conseil d'Etat.

La rente viagère instituée en 1999 par Lionel Jospin, rebaptisée allocation de reconnaissance par la loi du 23 février 2005, n'était pas accessible au plus grand nombre des harkis et de leurs veuves en raison des conditions restrictives à réunir, notamment l'obligation d'avoir acquis la nationalité française dans le cadre de l'ordonnance du 21 juillet 1962. Aussi, l'histoire des harkis nous a appris qu'une partie significative d'entre eux, hors délais, n'avaient pas pu redevenir français dans le cadre de cette ordonnance du Général De Gaulle. Dès lors, nombreuses ont été les familles de harkis à se tourner vers le Comité Harkis et Vérité pour dénoncer cette inégalité de traitement au sein de la population des harkis et cette injustice dans l'attribution de l'allocation de reconnaissance.

Pour mettre fin à cette situation injuste, toujours sur requête du Comité Harkis et Vérité, le Conseil d'État a rendu le 6 avril 2007 un arrêt déclarant contraire à la Convention européenne des droits de l'Homme toutes les conditions restrictives prévues par la loi française pour bénéficier du droit à l'allocation de reconnaissance, et notamment la condition de nationalité française dans le cadre de l'ordonnance du 21 juillet 1962. Il revenait dès lors à la présidence de Nicolas Sarkozy de mettre en conformité le droit à l'allocation de reconnaissance avec cet arrêt du Conseil d'État. Or, le Gouvernement de François Fillon n'ayant pas souhaité modifier les lois concernées, cette injustice a donc perduré pendant encore quelques années.

La révision constitutionnelle de juillet 2008 ayant ouvert à tous la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel dans le cadre de la Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Comité Harkis et Vérité a fait sienne cette opportunité pour obtenir du juge constitutionnel deux avancées majeures en faveur des harkis.

La première avancée majeure fut l'obtention du statut d'ancien combattant et du droit à pension qui l'accompagne pour les harkis restés en Algérie par la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010. La deuxième avancée majeure recherchée devant le juge constitutionnel consistait à neutraliser le refus du Gouvernement Fillon de se mettre en conformité avec l'arrêt du Conseil d'État précité d'avril 2007. A la demande du Comité Harkis et Vérité, dans le cadre d'une QPC déposée le 1er septembre 2010, le Conseil constitutionnel a alors été invité à procéder, en lieu et place du Gouvernement Fillon, à la mise en conformité du droit à l'allocation de reconnaissance avec le texte de la Constitution et le droit européen. Par sa décision n° 2010-93 QPC, le Conseil constitutionnel a fait droit aux demandes du Comité Harkis et Vérité et a ouvert le droit à l'allocation de reconnaissance à tous les harkis et à leurs veuves résidant sur le sol français. Dans un communiqué repris par la presse de l'époque, le secrétariat général du Gouvernement avait fini par reconnaître que la décision du Conseil constitutionnel allait ouvrir le droit à l'allocation de reconnaissance à 15 000 familles de harkis supplémentaires. Le nombre de bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance est alors passé de 6 000 à 21 000.

Ces avancées du droit des harkis appelaient aussi des avancées sur le terrain de la vérité du drame des harkis. Durant ces vingt années d'action, le Comité Harkis et Vérité s'est également mobilisé pour installer progressivement dans le paysage politique français une exigence aujourd'hui partagée par tous : la reconnaissance de la responsabilité des gouvernants français dans l'abandon, les massacres de harkis et la relégation des rescapés dans des camps en France. Des engagements en ce sens avaient été pris périodiquement par les politiques, notamment à l'approche des échéances présidentielles successives. Mais la reconnaissance tant attendue n'est finalement pas venue des politiques, mais des juges.

Le Comité Harkis et Vérité, c'est vrai, dispose d'une équipe de juristes et d'avocats rompus aux subtilités du droit. C'est donc tout naturellement qu'en 2011, le combat pour la reconnaissance de la responsabilité des gouvernants français dans l'abandon, les massacres de harkis et la relégation des rescapés dans des camps en France a été engagé devant la Justice française.

Pour aboutir avec une sérieuse perspective de victoire, plusieurs requêtes ont été déposées devant différents tribunaux de France. Et ce sont les juges de Cergy-Pontoise qui ont rendu la première décision de justice sur cette attente des familles de harkis le 10 juillet 2014. Les termes du jugement rendu sont clairs et limpides : l'État français est fautif et responsable du drame des harkis sans pour autant se prononcer sur la réparation financière, laissant aux juges d'appel et de cassation le soin de trancher cette question. Après huit années de procédure, c'est finalement en cassation devant le Conseil d'État qu'une issue victorieuse a été obtenue. Le 3 octobre 2018, la plus haute juridiction administrative de France a solennellement et officiellement reconnu la responsabilité de l'État dans le drame des harkis et ouvert un droit à réparation financière aux harkis et à leurs enfants.

Depuis le 3 octobre 2018, le Président de la République et le Gouvernement se sont murés dans le silence. La seule suite donnée par le Gouvernement à cette décision de justice historique s'est résumée à opposer la prescription quadriennale à tous les harkis et enfants de harkis réclamant leur droit à réparation devant les tribunaux.

Aujourd'hui, l'Elysée annonce une grande déclaration du Président de la République sur la réparation du drame des harkis. Nous sommes près de trois ans après l'arrêt du Conseil d'État. Enfin !

Vingt années passées à la tête du Comité Harkis et Vérité invitent toutefois à la prudence, au pragmatisme et au réalisme. Emmanuel MACRON et moi, nous sommes de la même génération, presque du même âge. Avec le Comité Harkis et Vérité, j'ai cru et je crois en la Justice de notre pays. J'espère que Emmanuel MACRON croit en la justesse de notre exigence de réparation. La parole est maintenant à lui.

Paris, le 19 septembre 2021

Charles TAMAZOUNT
Président du Comité Harkis et Vérité

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