Montpellier : les harkis en colère interpellent la députée Patricia Mirallès
Les harkis en colère, qui après leur action samedi à Montpellier, iront manifester à Paris, le 18 novembre, interpellent ce dimanche la députée -LREM- de l'Hérault, Patricia Mirallès, chargée de porter la loi de réparation promise par Emmanuel Macron. Une loi qui est vivement contestée par la communauté, comme l'ont montré samedi, douze présidents d'associations qui ont bloqué le trafic du tramway, à Montpellier.

Ce dimanche, sur la page Facebook Rassemblement Harki, les responsables de ceux qui se présentent comme « les oubliés de l'histoire » publient un long texte, que les adhérents et la communauté des harkis de France sont invités à copier-coller et à transmettre sur le courriel de la députée LREM. En voici un extrait :
« Madame la Députée,
Dans le cadre de la future loi de reconnaissance et de réparation pour
les Harkis et leurs familles (le terme « Harki » devant être entendu
comme l'ensemble des personnes de statut civil de droit local ayant du
fuir l'Algérie après les accords d'Evian), vous avez exprimé le souhait,
en votre qualité de rapporteure de la dite loi, d'entendre les
représentants du groupe social Harki. Cette loi de reconnaissance et de
réparation était attendue depuis de nombreuses années par tous ces
citoyens Français abandonnés une première fois en Algérie et ensuite sur
le sol métropolitain. La République Française se devait d'admette enfin
les nombreuses fautes commises à l'égard de ces femmes et de ces hommes
bannis dans leur pays d'origine et rejetés par la France qui leur avait
laissé croire à un avenir meilleur lorsqu'ils furent enrôlés en masse
au côté de l'armée française ».
« Dommages incontestables »
« Ces
dommages commis par l'Etat sont incontestables, qu'il s'agisse de
l'abandon de ces dizaines de milliers de personnes en Algérie et des
massacres qui s'ensuivirent ou des conditions dans lesquelles furent
accueillis celles et ceux qui purent se réfugier en France.
Nous constatons, avec regret, que la loi en question ne reconnait pas de
manière explicite le rôle joué par la France au moment de la
démobilisation et du désarmement des « supplétifs » de l'armée française
dont un grand nombre a subi des massacres ou ont été enfermés dans des
camps dans des conditions épouvantables. Néanmoins, les fautes commises
sur le territoire français à l'égard de ces citoyens français étant
admises, il convient de les réparer comme il se doit. Nous devons,
malheureusement, déplorer la vision très approximative voire en complet
décalage avec la réalité des faits qui ressort dans ce projet de loi.
Nous tenons à vous faire part, Madame la Députée, de notre déception
quant à la méthode utilisée par le gouvernement qui fait fi de toute
concertation et d'un vrai dialogue qui nous aurait enfin permis de
résoudre le contentieux qui existe, aujourd'hui encore, avec l'Etat.
C'est bien cette précipitation qui nous empêche de parvenir à un
diagnostic partagé tant sur les fautes commises que sur les préjudices
subis et ce faisant sur l'appréciation concrète de ces préjudices (...)
En réalité, il s'agit pour l'Etat et ses représentants de s'exonérer du
principe de la réparation intégrale ».
Conseil constitutionnel
« Le gouvernement a beau jeu de se référer à la décision du Conseil Constitutionnel, (n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010), pour acter sa volonté de réparer forfaitairement un ensemble de préjudices, en réalité, il s'agit là d'une interprétation très contestable et d'une lecture biaisée de cette fameuse QPC, Question prioritaire de constitutionnalité. Il rappelle que « Le principe de la réparation intégrale constitue un principe général du droit civil et la Cour de cassation statue régulièrement au visa de ce principe qui prohibe la fixation des dommages-intérêts ne résultant pas exclusivement de l'appréciation concrète du dommage subi. Pour le Conseil d'État, il existe également une obligation de réparation intégrale. »
(...) Des
mesures ont été prises dans le passé, « Mais, pour les Harkis et leurs
familles, les mesures dont ils ont bénéficié se sont élevées à 1,5
milliard d'euros... Quant aux 7 000 Harkis qui ont pu déposer une demande
d'indemnisation, cette valeur est chiffrée, en moyenne, à 1 880 € et
l'indemnité servie pour la majorité de ces dossiers dépassait rarement 4
573 € ! Quelle est la valeur d'indemnisation moyenne des biens perdus
en Algérie dont ont bénéficié les « rapatriés d'origine européenne »
? La démonstration que tente de faire le gouvernement sur les prétendues
mesures de réparation en faveur des Harkis, est grossière et
scandaleuse.
Vouloir faire croire que les Harkis et leurs familles ont déjà été
indemnisés de certaines fautes de l'Etat n'est pas conforme à la
réalité.
Les préjudices en lien avec les traumatismes psychiques dont beaucoup
ont encore à souffrir à ce jour tout comme celui du préjudice moral,
notamment, n'ont jamais été réparés ».
« Suspendre le vote de cette loi »
(...) « Il convient donc de
suspendre le vote de cette loi inique et d'engager un véritable dialogue
avec les représentants du groupe social Harki.
Cette loi, si elle est votée en l'état, va provoquer encore plus de
mécontentement car la méthode engagée par Mme Darrieussecq est
arbitraire, anti-démocratique tout comme le contenu de cette loi qui ne
répond en rien aux exigences de Réparation qui s'imposent pour les
Harkis et leurs familles. Si le refus de nous entendre devait persister,
nous pouvons craindre qu'un nouveau contentieux serait relancé avec de
multiples actions en Justice, qu'il s'agisse des juridictions
administratives mais aussi devant une juridiction pénale et
supranationale.
Nous vous prions de recevoir, Madame la Députée, nos salutations respectueuses ».
Samedi, lors de l'action à Montpellier, les présidents nationaux ont demandé aux harkis de ne pas voter à l'élection présidentielle et ont décidé de se rassembler jeudi 18 novembre devant l'Assemblée nationale, à Paris.
Jean-Marc Aubert
Source : Métropolitain le 7 novembre 2021